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Football et supporterisme. Analyse de l'actualité et du droit.
21 janvier 2016

Interdiction de déplacement des supporteurs : « Une mesure disproportionnée et liberticide »

Président de l’Association nationale des supporteurs (ANS), Pierre Revillon est un homme en colère. Son association a saisi la justice pour contester la décision prise, lundi 18 janvier, par la préfecture de Loire-Atlantique d’interdire aux supporteurs des Girondins de Bordeaux de se déplacer au stade de La Beaujoire, à Nantes, samedi 23 janvier, lors de la 22e journée de Ligue 1.

Alors que les autorités pointent les incidents réguliers qui émaillent les matchs des deux clubs pour exppliquer leur position, les supporteurs estiment que les autorités se sont engouffrées dans la brèche de l’état d’urgence pour justifier cette interdiction. « Hormis les rencontres directement postérieures aux attentats, c’est la première fois qu’ils doivent subir cette privation totale de liberté », écrit l'ANS.Ce litige sera tranché lors d’une audience publique au tribunal administratif de Nantes, jeudi 21 janvier. Dans l’attente du verdict, Pierre Revillon explique auMonde la démarche de son association.

Qu’attendez-vous de l’audience publique qui aura lieu, ce jeudi, au tribunal administratif de Nantes ?

Nous considérons que cet arrêté préfectoral interdisant le déplacement des supporteurs bordelais à Nantes est une mesure disproportionnée, liberticide. Les pouvoirs publics ne souhaitent pas faire un travail de prévention en amont des déplacements ni nouer le contact avec les supporteurs. Aujourd’hui, le seul moyen de se faire entendre, c’est de passer par les tribunaux. On espère que le tribunal administratif de Nantes va décider, en début d’après-midi, d’annuler cet arrêté et qu’on va trouver une solution pour que les supporteurs bordelais puissent se déplacer samedi.

Dans un communiqué, vous mentionnez les interdictions, qui ont concerné « près de 180 rencontres à mi-saison ».

Cela concerne les rencontres de Ligue 1, Ligue 2, National, CFA, de Coupe de France et de Coupe de la Ligue depuis août 2015. Ce chiffre traduit un renoncement des pouvoirs publics : il n’y a aucune politique de gestion des supporteurs en France. Il n’y a qu’une politique de répression. Par facilité, les pouvoirs publics ne veulent pas gérer les supporteurs. On a pu voir ce type d’arrêté, samedi dernier, en marge de Troyes-Rennes [lors de la 21e journée de Ligue 1]. Les supporteurs des deux équipes n’ont pu avoir accès au centre-ville. L’argument de la préfecture de l’Aube était la mobilisation des forces de police pour les soldes et la présence de touristes à cette occasion. Dans ce cas et celui de Nantes-Bordeaux, il y a aussi l’argument de l’état d’urgence (à la suite des attentats du 13 novembre 2015).

Décidé après les attentats du 13 novembre, l’arrêté ministériel interdisant le déplacement des supporteurs a pourtant pris fin le 14 décembre.

Il y a eu une interdiction globale des déplacements dans le cadre de l’arrêté ministériel. Mais à son terme, certains matchs ont été ciblés. Aujourd’hui, c’est au cas par cas. La logique des préfectures est d’éviter tout risque d’affrontements. Mais le risque zéro n’existe pas et on peut systématiquement interdire les déplacements dans cette logique. Les autorités savent un ou deux mois avant le match concerné qu’il va y avoir un arrêté. Et on est prévenus trois jours ou une semaine avant la rencontre. Pour éviter ce type de mesure, il faudrait prévenir les supporteurs plus en amont et instaurer une politique de dialogue.

En Allemagne ou en Angleterre, il y a une politique de dialogue avec les pouvoirs publics qui encadrent les déplacements. En France, la politique est incohérente : on est incapable d’encadrer le déplacement de 300, 400, 700 supporteurs. Dans l’optique de l’Euro 2016, on se pose des questions sur les compétences des gens en charge de gérer les supporteurs.

Le 29 décembre 2015, l’ANS a été reçue par la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH). Que retenez-vous de cette réunion ?

Nous avons été reçus durant deux heures trente par Antoine Boutonnet, qui dirige la DNLH. Chaque partie a pu s’expliquer. Mais rien ne va évoluer. M. Boutonnet va poursuivre sa politique de répression. Il ne va pas changer son fusil d’épaule. On doit rencontrer la Fédération française de football en mars pour évoquer l'Euro 2016. On a rencontré l’ex-ministre des sports, Marie-George Buffet, et le secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard. Un responsable du cabinet du ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, doit nous recevoir prochainement. On a été reçus par des sénateurs et des députés. Le seul organisme qui ne nous a pas répondu est la Ligue de football professionnel (LFP).

La LFP n’a pas envie de s’embêter avec les supporteurs. Son président, Frédéric Thiriez, nous avait laissés entendre que la porte était ouverte. Mais c’était du vent. Cela n’a pas été suivi par les faits. On n’a pas avancé. De manière générale, on n’avance pas sur ces questions.

Rémi Dupré 
Journaliste au Monde

Source:lemonde.fr

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