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Football et supporterisme. Analyse de l'actualité et du droit.
31 mars 2014

Patrick Mignon : "La volonté d’en finir avec les mouvements supporters

Pas de fans stéphanois à Lyon pour le derby de Ligue 1, ce dimanche. Patrick Mignon, sociologue, décrypte cette nouvelle interdiction administrative.

Ça devient une habitude dans le championnat de Ligue 1. Cette fois, il n’y aura pas de supporters adverses pour Lyon-Saint-Étienne (31e journée), dimanche. Par peur d’affrontements lors du 108e derby entre l’OL (5e, 48 points) et l’ASSE (4e, 51 points), un arrêté ministériel interdit leur déplacement. Coauteur du Livre vert du supportérisme, Patrick Mignon analyse les répercussions sur le football et les fans à deux ans de l’Euro organisé en France.

Que révèle cette nouvelle interdiction administrative de déplacement de supporters ?
Patrick Mignon. Je vois ça comme le prolongement et la volonté d’en finir avec les mouvements de supporters. Il n’y a jamais eu de politique des supporters en France, en tout cas pas de politique du type de celles qu’on peut voir en Allemagne ou en Europe, qui sont des politiques à la fois d’acceptation des supporters, de prévention sociale et d’intégration locale, de cadrage pour éviter la violence ou les manifestations à caractère raciste. En France, les seules politiques mises en place ont été d’abord une instrumentalisation des supporters par les clubs au début des années 1980, une époque où il n’y avait pas beaucoup de public, et ensuite, du côté des pouvoirs publics, une politique de répression.

Cette généralisation des interdictions traduit-elle un abus de pouvoir ou une impuissance des autorités ?
Patrick Mignon. C’est une utilisation abusive et peu  salutaire de la loi. La loi, c’est apporter des preuves, débattre et prendre des mesures. Au lieu de trouver tous les moyens pour faire des supporters des acteurs du foot – ils ont une certaine légitimité vu la place qu’ils occupent et leur ancienneté –, on ne définit leur camp que par le désordre qu’il faut combattre. Ce qui traduit une conception d’affrontement entre supporters et autorités. Il y a un certain nombre de questions dans notre société qu’on ne peut pas résoudre par le seul maintien de l’ordre mais par d’autres actions avec, par exemple, des  associations qui vont faire un travail sur le terrain. Le problème, c’est que ces actions ne sont pas ou peu visibles et sont couteuses.  En revanche, une bagarre c’est très visible. On entend vite dire : « l’Etat ne fait rien » et ça les autorités ne le veulent pas. Les pouvoirs publics prennent donc des décisions administratives comme ça on ne pourra rien leur reprocher.

L’absence d’organe représentatif de supporters n’est pas préjudiciable aux Ultras ?
Patrick Mignon. Les supporters français se sont mis, pour une partie d’entre eux, dans une position radicale en s’opposant à tout type de compromis avec les clubs et en refusant tout type de contrôle de leurs propres agissements.  En quelque sorte, ils n’ont pas été très politiques... Ils n’ont pas su créer une fédération nationale qui leur aurait permis de négocier et de créer un code conduite. Ils prennent un retour de bâton car ils n’ont pas pris acte de la situation.

En interdisant les déplacements de supporters lors de derbies, ne dépossède-t-on pas le football de son patrimoine, faisant ainsi un pas de plus vers sa dépopularisation ?
Patrick Mignon. Le foot repose sur un passé mais aujourd’hui on a du mal à accepter ce folklore, cette culture populaire… Chaque équipe symbolise quelque chose et les supporters s’en font les représentants. Lyon-Saint-Étienne, c’est une rivalité nettement antérieure à la coexistence des deux clubs dans une même division. Cela fait partie de la géographie sociale imaginaire que le foot retranscrit à son niveau, même si les deux villes ne sont plus celles d’il y a cent ans…

La façon dont les autorités gèrent le phénomène supporters à deux l’Euro en France est pour le moins étonnant alors que le pays va devoir accueillir des dizaines de milliers de supporters européens...
Patrick Mignon. Déjà, la Coupe du monde 1998 n’avait pas du tout été pensée comme un évènement sociétal, c’est-à-dire qui aurait pu jouer un rôle dans le développement de la société française, mais seulement pour mettre la France en avant sur la scène internationale. Pour l’Euro 2016 on va dans la même direction. On va assurer l’organisation technique en construisant de nouveaux stades, logistique et du maintien de l’ordre, mais à ma connaissance aucune réflexion n’a été amorcée concernant l’accueil de supporters internationaux...

Entretien réalisé par Nicolas Guillermin

Source:humanite.fr

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