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Football et supporterisme. Analyse de l'actualité et du droit.
12 février 2015

Supporteurs de foot : les clubs continuent de fermer la porte

DÉCRYPTAGE

Assises. Appuyés par les politiques, les fans du ballon rond revendiquent leur légitimation dans les conseils d’administration ou les instances.

«Ce qui est compliqué, c’est d’avoir les politiques. Et on les a.» Mercredi, au Sénat, le secrétaire d’Etat aux Sports, Thierry Braillard, a ouvert les deuxièmes assises du supportérisme (drôle de mot) en France, ce dont se réjouissait Didier Decoupigny, président de l’association 12 Lensois et adhérent à ce titre au Conseil national des supporteurs de football (CNSF), grand ordonnateur du raout organisé rue de Vaugirard.

Trois chaises vides : ni Fédération française de foot (FFF), ni Ligue professionnel de football (LFP, regroupant les clubs pros), ni Union des présidents des clubs pros (UCPF), proche de la Ligue pro par nature.

Partant, les oreilles de ceux-là ont sifflé pendant quatre heures, les instances faisant savoir de leur côté que le Conseil national des supporteurs et les politiques sont en train de le leur faire à l’envers dans les grandes largeurs.

Que demandent les associations représentées au Sénat ?

«La formalisation d’une des conclusions rendues dans le rapport Glavany : l’émergence d’une représentation organisée des supporteurs permettant d’avoir un dialogue constructif avec les acteurs», explique Florian Le Teuff, tête de pont du Conseil national des supporters. En clair : prendre pied ès qualités au Conseil d’administration de la Ligue pro, voire même dans ceux des clubs.

Ronand Dantec, sénateur de Loire-Atlantique : «Un club de foot est, de fait, un bien collectif assurant une forme de cohésion sociale, qui suscite aussi un regard sur une ville ou une région. Or, il est parfois le jouet de quelqu’un qui a fait fortune, réductible à une somme de flux financiers.» L’image du pittoresque Christophe Maillol, cherchant jusque dans les dunes mauritaniennes l’argent avec lequel il racontait pouvoir racheter le plus vieux club de France (Le Havre) avant d’y renoncer faute de «monétisation», a effectivement prouvé par l’absurde la nécessité, sinon d’une régulation, à tout le moins d’un regard sensible à une approche plus «patrimoniale» du football.

Les politiques font les lois : «S’il faut une loi coercitive imposant une représentation des supporteurs dans les instances ou les clubs, on la fera», a menacé Thierry Braillard.

Pourquoi les politiques appuient-ils la démarche ?

L’opportunisme politique à l’égard d’un secteur d’activité scotchant, par ailleurs, 20 millions de Français devant leur télévision les grands soirs ne doit pas être négligé. Mais on devine d’autres motifs. L’obscurité proverbiale des circuits financiers du foot servant au paiement (et rétro paiement) des transferts est un sujet souvent abordé en off par les politiques de tous bords, les risques de dérive - blanchiment, financement du terrorisme - étant attisés par l’absence de règle.

Or, le Conseil national des supporteurs, à la suite de nombreuses organisations similaires à l’étranger (Allemagne, Italie, Belgique…), met en avant la notion de«transparence», s’imaginant comme témoin-citoyen des agissements des dirigeants des clubs. Ce qui leur a valu l’aval de l’Union européenne de football (UEFA) et de son président Michel Platini, lequel avait dépêché son conseiller William Gaillard - finalement empêché - sur zone, armé d’un pitch : «Trois pays sur les 53 affiliés à l’UEFA n’ont pas respecté l’obligation d’avoir un "référent supporters" dans les clubs : la France, l’Azerbaïdjan et la Moldavie.» Pas la classe.

Pourquoi les instances font-elles les sourdes ?

Elles pointent un problème de représentativité : toutes les associations de supporteurs ne sont pas affiliées au Conseil national, loin s’en faut. A commencer par des courants proches d’un hooliganisme, violent par nature, rétif à l’embrigadement institutionnalisé : s’il n’est pas influent auprès des supporters les plus durs, à quoi sert le Conseil national des supporteurs ? Autre argument : le fait d’être représenté dans les conseils d’administration (Ligue pro, clubs) doit être un moyen et non une fin en soi, la FFF pointant un certain vide programmatique.

Enfin, l’appui des politiques ou de l’UEFA leur sort par les yeux : des postures démagogiques et gratuites, les instances devant éventuellement supporter seules les conséquences de ces belles déclarations de principes.

Grégory SCHNEIDER
Source:liberation.fr
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